L'OIF: hier, aujourd'hui et demain

Le 7 octobre 2025, Amina Priscilla Longoh, l'ancienne ministre d'État, ministre de la Femme et de la Protection de l'enfance du Tchad a présenté à Louise Mushikiwabo, Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), ses lettres de créance. Elle est depuis le 16 juillet 2025, Conseillère spéciale, représentante personnelle du Chef de l’Etat Mahamat Idriss Déby Itno auprès de cette institution multilatérale créée le 20 mars 1970 à Niamey.
✍️Éric Topona Mocnga, journaliste à la Deutsche Welle.
Cet acte diplomatique intervient quelques semaines après la signature le 25 juin 2025, d’un pacte d’amitié et de coopération entre Paris et N’Djamena dans le cadre de l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) rattachée à l’OIF, les deux capitales et Senoussi Hassana Abdoulaye maire de la ville de N’Djamena. C’est dans la même dynamique que s’inscrit la récente visite à N’Djamena de la maire de Paris. Elle a été d'ailleurs reçue par les autorités du pays: le président Mahamat Idriss Déby Itno et le président du Sénat, Haroun Kabadi.
Présence effective de l'OIF en dépit des critiques
L’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) est très peu connue des Tchadiens et des peuples des pays membres, au premier rang desquels la France qui en est pourtant la première contributrice financière et la première bénéficiaire en termes de rayonnement diplomatique et culturelle.
Au moment où les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ont décidé en mars 2025 de s’en retirer, il n’en demeure pas moins que l’OIFreste t l’une des institutions multilatérales qui peuvent revendiquer une présence réelle et efficace dans la quasi-totalité des grandes problématiques qui sont au cœur de l’agenda international contemporain. Connue notamment des milieux universitaires et gouvernants, l’OIF, par sa vision, ses projets ou ses implications diplomatiques, est aujourd’hui considérée comme un modèle en matière de coopération décentralisée. L’OIF, bien au-delà de ses 321 millions de locuteurs francophones, rassemble 90 Etats et Gouvernements.
Une initiative africaine
L’OIF, il est important de le souligner, est au départ une initiative africaine. Elle a été créée en 1970 par trois chefs d’Etat : Léopold Sédar Senghor du Sénégal, Habib Bourguiba de Tunisie, Hamani Diori du Niger. Comme l’attestent plusieurs témoignages, qu’il s’agisse de ses pères fondateurs ou de proches du Chef de l’Etat français de cette époque, le général de Gaulle, l’homme de l’appel du 18 juin 1940 et de la Conférence de Brazzaville (durant la Seconde Guerre mondiale, du 30 janvier au 8 février 1944), n’était pas enthousiaste à l’idée de la création de cette institution multilatérale devenue pourtant plus tard un outil précieux du soft power à la française.
À sa création, l’OIF n’existait pas dans sa configuration actuelle. C’était l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT). Ses missions étaient essentiellement structurelles et structurées autour de 21 pays membres. La mutation de l’ACCT vers la francophonie politique, voire multifonctionnelle s’est faite en 1986 au Sommet de Versailles en France. Mais c’est le 23 novembre 2005 à Antananarivo à Madagascar que la Conférence des Ministres adopte une nouvelle charte qui donnera naissance à l’Organisation Internationale de la Francophonie.
Mutations fondamentales
À l’observation, cette institution a connu trois mutations fondamentales depuis sa création : une mutation institutionnelle, un élargissement de ses missions et de son périmètre d’action, et un élargissement de ses membres. C’est surtout sur le terrain de ses missions que l’OIF n’a eu de cesse de se rapprocher des attentes des peuples de ses Etats membres et des défis de son temps.
En effet, au titre de ses missions essentielles, l’OIF voue son action à la promotion de la langue française, du plurilinguisme et de la diversité culturelle ; la promotion de la paix, la démocratie et les droits de l’Homme ; l’appui à l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche ; le développement économique au service du développement durable. Outre ces missions globales, l’OIF inscrit également son action sur le terrain des problématiques sociétales planétaires telles que la réalisation des Objectifs de Développement Durable (ODD), la réduction de la fracture numérique et une réflexion active sur les préoccupations connexes telles que celles relatives au développement de l’Intelligence Artificielle, ainsi qu’un intérêt accru à travers des projets multiformes pour les femmes et les jeunes.
Coopération entre Paris et N'Djaména
Un intérêt particulier mérite d’être accordé à l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF) dont la vitalité justifie le dynamisme de la coopération entre les capitales française et tchadienne. Dans un contexte international où les politiques publiques inscrivent la coopération décentralisée au cœur des politiques publiques, l’AIMF peut être considérée comme l’un de ses laboratoires depuis des décennies. Ils se comptent par milliers les projets de développement portés dans ce cadre, notamment par les collectivités locales francophones des pays du Nord, au bénéfice des collectivités des pays du Sud, précisément en Afrique subsaharienne francophone.
En outre, ces projets ont pour atout leur impact concret sur les conditions de vie des populations bénéficiaires.
Francophonie des peuples
Toutefois, depuis les grandes réformes institutionnelles qui ont débouché sur le format actuel de l’OIF, ils sont nombreux qui lui reprochent de privilégier une sorte d’entre-soi entre gouvernants, diplomates et technocrates. Cette institution demeure éloignée de la Francophonie des peuples qui devrait pourtant être son point d’aboutissement.
Or, autant l’OIF destine ses moyens financiers et ses projets aux peuples, notamment aux jeunes, aux femmes, et aux créateurs des œuvres de l’esprit, autant ces peuples n’ont jamais eu le sentiment d’une appartenance commune. Ces manquements devraient être corrigés.



