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Maroc: L’Académie Mohammed VI, perfection de la formation marocaine

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Youssef En-Nesyri, Nayef Aguerd , Reda Tagnaouti et Azzedine Ounahi 
qui a complètement charmé Luis Enrique à l’issu de la victoire de la sélection marocaine face à l’Espagne : «Mon Dieu, d'où sort ce gars ?» sont tous les quatre issus de l'Académie Mohammed VI, près de Rabat. Sortie de terre en 2009, elle commence déjà à fournir la sélection nationale.

S’il fait aujourd’hui les beaux jours de la formation de l’ASEC Mimosas à Abidjan, fut l’un des tout premiers à rejoindre l’Académie Mohammed VI, 

Sortie de terre en 2009 sur décision royale, à Salé, près de Rabat, l’académie Mohamed VI , a recruté les meilleurs cadres internationaux de foot-ball dont son ancien Directeur  le Normand Nasser Larguet  qui a expliqué que :« Sa Majesté le roi Mohammed VI a voulu comprendre pourquoi le football était arrivé à ces difficultés-là. C’est-à-dire ne pas se qualifier à la Coupe du monde depuis longtemps, de ne pas être capable de passer le premier tour des Coupes d'Afrique et la non-qualification des jeunes dans les compétitions africaines et notamment mondiales. Et aussi les résultats qui manquaient au niveau des Ligues des champions africaines. Donc la conclusion, c'était que le Maroc avait perdu un petit peu le fil de la formation des jeunes qui étaient la force du football marocain ».

Un projet colossal

Le royaume investit alors treize millions d’euros dans le projet et s’offre un centre ultra-moderne, qui n’a rien à envier aux infrastructures des plus grands clubs européens. Avec Nasser Larguet aux commandes, l’académie se dote d’équipements en tout genre. « Il y avait tout pour bien faire. Nasser a pensé à tout. Il voulait par exemple que les enfants puissent jouer sur toutes les surfaces,. Donc il a fait des terrains en herbe, il a fait un terrain synthétique, il a fait un terrain en stabilisé avec de la terre, et il a fait un mini terrain en sable. C’était extraordinaire » , explique Pascal Théault. Mais cette académie de 18 hectares a de légers retards de livraison, et le premier cru commence à mûrir à 40 kilomètres de là. « On démarre avec un groupe de 18 ou 20 gamins. Les installations ne sont pas prêtes. On est en septembre, ça traîne, ça devait être prêt, mais ça ne l’est pas. Et je me souviens que Nasser prend la décision de faire un stage d'un mois à Bouznika. Et dans ce groupe, il y a déjà Nayef Aguerd », se souvient Théault. Pas de quoi entamer le moral du trio : « On démarre d'une feuille blanche, et c'est ça qui était extraordinaire. C’était formidable parce qu'on n’avait pas grand-chose au départ. On avait 18, 20 joueurs, la cantine n'était pas prête. On se démerdait. On est les pionniers. » 

Si les formateurs s’éclatent, tout n’est pas tout rose. Il faut encore mettre au point la bonne formule pour faire progresser les pépites marocaines. Avec un staff largement issu de la formation française, Nasser Larguet essaie d’appliquer les méthodes hexagonales. Mais l’expérience tourne au fiasco, car à l’époque, selon lui, « un joueur de 15 ans a une histoire de l'entraînement et un historique de l'entraînement d'un enfant de 12 ans en France » . « On était vraiment catastrophiques pendant six mois, et je me suis aperçu qu'il fallait changer de méthodologie. C'est ce qu'on a fait en collaboration avec Pascal. Avec Thomas (Pavillon, le préparateur physique, NDLR), on a rééquilibré un petit peu la méthodologie et après on était vraiment dans le vrai avec nos jeunes » , témoigne Larguet, qui a passé le flambeau à Théault en 2014. Après une première année passée à jouer des matchs amicaux, l’ancien coach de l’OM inscrit ses différentes catégories dans les championnats locaux. Ces résultats ne sont pas forcément bien vus par les grandes équipes marocaines, qui jalousent les infrastructures dont bénéficie l’académie. « Sur trois catégories, on empoche deux titres. Devant le Raja et le Wydad. Donc là, ça a sûrement été un tournant. Tout le monde s'est demandé ce qu’il se passait. Et on a été, je pense, fortement jalousé parce qu'on a dérangé les cadors du pays. Parce qu'on avait des moyens supérieurs. Mais aller si vite pour gagner deux titres, ça a marqué » , décrit Théault, qui a quitté le navire en 2016. « Les familles voulaient absolument me confier leurs enfants parce qu'on était attentifs aussi à leur scolarité, complète Larguet. On était attentifs à leur santé, ce qui n'était pas le cas dans les clubs, malheureusement pour eux. Et donc c'est vrai que ça a attiré un petit peu jalousie. » Concernant la détection, l’actuel DTN de l’Arabie saoudite ne vise même pas les jeunes déjà licenciés dans un club. « Cela se faisait dans les quartiers, dans les villages, et j'ai beaucoup utilisé les compétitions scolaires, notamment la Danone Cup, par exemple. » Rien que pour la première promotion, le directeur dit avoir passé en revue 15 000 jeunes, pour réduire la liste à 80, puis à 37 en éliminant ceux qui ont menti sur leur âge, ceux qui avait un retard scolaire, ou un profil médical incompatible avec le sport de haut niveau. 

Athlétiser des techniciens

Contrairement à un paquet de centres de formation de l’Hexagone, l’académie ne refuse pas de joueurs sous prétexte que leurs qualités ne correspondent pas à la philosophie du club. « Quand on est formateur de joueurs, on se doit de prendre les meilleurs. On ne peut pas refuser un Griezmann parce qu'il est petit et technique et qu'on a une dominante athlétique. C'est dangereux d'avoir une dominante trop forte parce que vous risquez de passer à côté de gars comme Gallas, Rothen, Griezmann ou je ne sais pas qui. Des monstres soit techniques, soit d'intelligence, soit physiques qui vont être internationaux. Le critère, c'est de prendre le meilleur. Il est très bon ? Il est meilleur que les joueurs que vous avez avec vous ? Il faut le prendre. Et puis après, il faut travailler » , détaille Théault. Nasser Larguet apporte toutefois une petite nuance, puisqu'il confie avoir légèrement insisté sur l’aspect athlétique, défaut récurrent des jeunes Marocains. « On était des joueurs de quartier, donc on jouait sur des petites surfaces. On n'avait pas la notion de la vitesse. Les duels, on savait pas ce que c'était, on les fuyait même parfois » , précise-t-il. Un rééquilibrage athlétique qui a porté ses fruits : « Quand on voit le nombre de courses que fait En-Nesyri en tant qu'attaquant et la qualité de duels qu’a un garçon comme Aguerd, ça veut dire qu'on a quand même à peu près atteint notre objectif. »

Après une décennie d’existence, l’Académie Mohammed VI a déjà su placer trois de ses lauréats dans le onze titulaire de Walid Regragui, auquel on doit rajouter Reda Tagnaouti, le troisième gardien du groupe. Même si l’académie a pour but de fournir l’équipe nationale, Nasser Larguet se dit positivement « surpris de la vitesse à laquelle on a pu produire ces joueurs-là » d’autant plus qu’avec un gardien, un défenseur, un milieu et un attaquant, c’est une véritable « épine dorsale » . Le technicien pondère ce succès, arguant que « c'était aussi facile pour nous parce qu'on détecte à partir de 12 ans jusqu'à 15 ans pour les amener jusqu'à 18 ans. Malheureusement pour les clubs, ce sont des catégories qui ne les intéressent pas. Eux, c’est à partir de 15 ans et plus, car c'est là où il y a les championnats » . De son côté, Pascal Théault estime qu’il est impossible de se fixer un objectif précis : « C'est comme vos enfants, vous ne pouvez pas programmer qui va faire maths sup’, qui va être ingénieur, ou ouvrier spécialisé dans dix ans. Heureusement, on est rempli d'humilité et de doutes. Plus on avance, et moins on a de certitudes. Ça arrive maintenant et c'est un peu normal dans le timing, parce que ces gamins-là arrivent à maturité. » 

Cette première génération produite par l’Académie, déjà si importante chez les Lions de l’Atlas, pourrait montrer aux autres pays du continent qu’un tel investissement est nécessaire pour progresser au plus haut niveau. Pascal Théault, qui sillonne l’Afrique depuis vingt ans, espère voir ce genre d’infrastructures fleurir un peu partout : « Il devrait y avoir dix académies dans tous les pays d'Afrique comme il y a à Salé. Donc il faut que les États, les gouvernements, comme le roi a fait, avec les fédérations, mettent en place des projets comme ça. Pour que chaque gamin de chaque région ait sa chance. C'est ça la clé. S'il n'a pas sa chance, s'il n'a pas un centre près de chez lui à 30 ou 40 kilomètres, le petit du village, du bled, vous ne le verrez jamais en Coupe du monde dix ans après. Imaginez qu’en France, il n’y ait que le Paris Saint-Germain. Là, le mec de Martigues, de Bastia, du fin fond de la Gironde ou du Nord, il n’aura jamais sa chance. » Maintenant, même aux confins du Sahara, le futur Messi n’échappera pas à l’Académie Mohammed VI.